Apprivoiser la mort c’est donner un sens à la vie

« Le sens de la mort a changé pour moi le jour où je suis devenu un initié ». Dans ce parcours de grand médecin, dans cette volonté de porter au dehors, au corps politique et social, l’avancée des techniques scientifiques et d’en transformer le regard, Pierre Simon a rencontré ce qui lui fournira un « levier » d’action et un lieu de réflexion, une autre famille : la loge. En 1953 il est initié dans sa loge mère « La Nouvelle Jérusalem » au sein de la Grande Loge de France. Entre le catholicisme romain et le marxisme dont David Rousset dénonçait les goulags dès 1947, le choix était impossible. Il faut donc à ses yeux inventer une troisième voie qui concilie l’attachement à la tradition et au judaïsme, attachement que la guerre avait rendu indéfectible, et l’attrait de la découverte, la volonté également de tracer un chemin qui lui soit propre. Pour celui qui a d’une certaine façon choisi de placer sa vie sous le signe du symbole, une rencontre fut décisive : celle d’un moine dont la statue de bois du XVIIe siècle ornait un château normand, la capuche rabattue sur le front.

Entre le catholicisme romain et le marxisme le choix était impossible. Il faut donc à ses yeux inventer une troisième voie.

Le sourire, à peine esquissé qui se dessine sur son visage, en même temps qu’il accueille, avec une bonhomie indulgente, le libre arbitre de son interlocuteur, semble recéler toute l’énigme du monde.  « Le temps avait rongé les plis de sa robe comme il avait blessé sa main gauche qui serrait une Bible, mon futur Volume de la loi sacrée ». « L’humilité de ce moine, comme son expression ineffable» furent désormais le vis-à-vis « sceptique, ironique, inspiré » de sa démarche. « Sa permanence éveilla en moi le désir d’initiation » (De la vie avant toute chose, p. 69). Reçu sous le bandeau, conduit à la renaissance après une mort symbolique, l’initié accède, selon Pierre Simon, «  à un nouveau climat mental ». Son combat pour la vie devint ainsi celui au terme duquel il fallait être digne de sa mort. Au sein de la loge il conjugue raison et tradition, action et connaissance. Il y exerce une fraternité jamais démentie, celle-là qui le poussait à combattre au dehors pour l’amélioration de la condition de l’homme.