Débuts : la lumière et l’ombre

Pierre Simon est né le 3 janvier 1925 à Metz au sein d’une famille de la bourgeoisie juive française. La famille de son père est installée sur les bords de la Moselle depuis le règne de Louis XV. Quant à sa famille maternelle, elle s’établit en Alsace à la même époque. Un patriotisme intransigeant berce son enfance entre un père, athée, Alexandre, traduit en conseil de guerre pour avoir à l’époque de la première guerre mondiale où l’Alsace-Lorraine était allemande, fabriqué en cachette des drapeaux tricolores et une mère, Lucie Asch, imprégnée du judaïsme ombrageux des patriotes alsaciens. S’il se plaît à rappeler ses origines, Pierre Simon entre peu dans le détail sur ses premières années. Peut-être parce qu’un premier drame frappe la fratrie : la maladie touche sa sœur aînée, Yolande, qui mourra, paralysée, à l’âge de vingt ans pendant la guerre. La guerre vient rapidement interrompre une jeunesse passée entre la chaleur du foyer paternel et les enthousiasmes communs à la jeunesse juive de l’époque, notamment le scoutisme et l’engagement aux Éclaireurs israélites de France en compagnie de sa plus jeune sœur, Nicole.

La guerre est une blessure. Elle est également formatrice et noue des amitiés indéfectibles.

La guerre va séparer la famille et le sentiment d’être un rescapé ne le quittera plus. Il passe le début de la guerre à Thonon-les-Bains où, avec un oncle et l’appui des scouts protestants, il aide à faire passer les enfants juifs en Suisse. Puis c’est Lyon où, il suit comme élève au lycée Ampère les cours de Jean Beauffret. Echappant de peu à la milice, il se cache un temps dans un foyer catholique pour jeunes ouvriers – il y servira la messe –, puis se réfugie au Chambon-sur Lignon, haut lieu de la Réforme où il découvre les textes du christianisme en même temps qu’il fait ses premiers pas sur les planches. L’exemple de son oncle, Sylvain Asch, économiste, revenu s’engager en France au début de la guerre alors qu’il se trouvait en mission en Amérique Latine et fusillé par hasard comme otage alors qu’il animait la Résistance dans le Périgord demeurera vif dans sa mémoire.

La guerre est une blessure. Elle est également formatrice. Elle noue des amitiés comme celle, indéfectible, qui le lie à la famille du grand rabbin Jacob Kaplan et à son fils aîné, Lazare. Elle lui fait prendre conscience d’une certaine liberté d’esprit et de la nécessité d’ancrer celle-ci dans un dialogue entre différents milieux et familles de pensée et la tradition. Le contact avec la mort accentue peut-être aussi un certain attrait pour le symbolisme et nourrit la décision de se consacrer à ses semblables. À la Libération, il monte à Paris au sein d’une troupe d’amis comédiens dont certains feront carrière comme Charles Denner et surtout Marcel Marceau qui crée le personnage de Bip. Pierre Simon se partage alors entre le théâtre et les bancs de la faculté de médecine. La lecture de L’homme cet inconnu d’Alexis Carrel, avant même l’année de PCB effectuée à Lyon, et les développements que laisse prévoir une discipline neuve, l’endocrinologie, ouvrant aux chercheurs les voies d’une révolution en biologie qu’il apprendra chez le Pr. Simonet, trancheront en faveur de la médecine. L’Histoire n’est pas oubliée. Il assiste aux grands procès d’après-guerre, notamment, grâce à Edgar Faure, au procès de Nuremberg, La phrase de Kafka, « les chaînes de l’humanité torturée sont en papier de ministère », s’applique selon lui aux acteurs de la « solution finale » qu’il juge comme des carriéristes, jouant au surhomme pour mieux avancer dans l’administration. Y a-t-il un processus évolutif qui puisse conduire à un tel équipement mental ? La question sera déterminante dans sa façon de chercher à infléchir le cours des choses. La gynécologie s’imposera comme l’arme privilégiée dans ce combat pour la connaissance.